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Question :  

Bonjour, pouvez-vous me dire si une opération de cataracte des deux yeux d'une personne en tutelle ne pouvant donner son consentement est à soumettre à l'autorisation du juge ?  

J'ai un doute car je ne sais si cette opération est considérée comme pouvant avoir une atteinte à l'intégrité corporelle du majeur.  

Dans l'attente de vous lire, et en vous remerciant.  

Bien cordialement, 

   

Réponse de Gilles RAOUL-CORMEIL :   

Docteur en droit privé
Professeur des Universités (Université de Brest)
Responsable du Master 2 Droit civil – Protection
des personnes vulnérables et du C.N.C.-D.U. « MJPM » (Université de Caen),
Conseiller scientifique de la FNMJi

 

Chère Mandataire judiciaire à la protection des majeurs, 

Je vous remercie de votre question. 

Le droit de la santé des majeurs protégés a été profondément modifié par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 25 mars 2019 d’une part, ainsi que par l’ordonnance n°2020- 232 du 11 mars 2020, entrée en vigueur le 1er octobre 2020, d’autre part. 

En premier lieu, il faut avoir à l’esprit un texte général du Code civil qui renforce l’autonomie de la personne protégée, même en tutelle, dans son volet personnel. 

Selon l’article 459 du Code civil, alinéa 1er : « La personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. ». 

A contrario, c’est seulement lorsque la personne n’est plus en état de consentir seule, que vous avez un rôle à jouer… enfin seulement si le juge des tutelles vous a donné un pouvoir d’assistance ou de représentation. Le jugement doit être précis sur ce point. 

Dans votre question, vous évoquez un jugement qui a prononcé une tutelle à la personne. Je suppose que le juge des tutelles a prévu, en toutes lettres, que vous avez le pouvoir d’assistance ou de représentation, en cas de besoin. 

Le cas échéant, l’alinéa 2 de l’article 459 du Code civil a matière à s’appliquer. Je vous rappelle que ce texte a été réécrit par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019. Depuis le 25 mars 2019, « Lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après le prononcé d'une habilitation familiale ou l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser la personne chargée de cette habilitation ou de cette mesure à représenter l'intéressé, y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle. Sauf urgence, en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne chargée de sa protection, le juge autorise l'un ou l'autre à prendre la décision, à leur demande ou d'office ». 

Une opération relative à la cataracte ne porte pas gravement atteinte à l’intégrité corporelle. C’est justement en raison des doutes sur le caractère opérationnel de cette qualification que le législateur de 2019 a décidé de l’abandonner. 

Depuis le 25 mars 2019, le tuteur n’a plus à solliciter l’autorisation du juge des tutelles pour les actes portant gravement atteinte à l’intégrité corporelle du majeur en tutelle. 

En l’espèce, celle-ci était inutile avant le 25 mars 2019 ; elle serait déplacée après cette date… à moins qu’il n’y ait un désaccord entre la personne en tutelle et, vous, sa tutrice. Le juge des tutelles n’intervient plus qu’en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne en charge de la protection. 

La règle a été doublée ; elle siège dans le Code civil, à l’article 459, alinéa 2 in fine. Elle siège également, depuis l’ordonnance n°2021-232 du 11 mars 2021 dans le Code de la santé publique à l’article L. 1111-8, al. 8 « Le consentement, (…), de la personne majeure faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne doit être obtenu si elle est apte à exprimer sa volonté, au besoin avec l’assistance de la personne chargée de sa protection. Lorsque cette condition n’est pas remplie, il appartient à la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne de donner son autorisation en tenant compte de l’avis exprimé par la personne protégée. Sauf urgence, en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne chargée de sa protection, le juge autorise l’un ou l’autre à prendre la décision » ; Al. 9 : « Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur si le patient est un mineur, ou par la personne chargée de la mesure de protection juridique s’il s’agit d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur protégé, le médecin délivre les soins indispensables. 

Si je me résume, il vous faut vous assurer, avec le jugement, un réel pouvoir de représentation à la personne. Vous pouvez donc consentir en lieu et place du majeur en tutelle à cet acte chirurgical. Votre autorisation devra être éclairée par un avis médical précis mettant en perspective les avantages et les risques. Si la balance penche vers les avantages, alors l’intérêt du majeur protégé est de se faire opérer. Et votre autorisation sera justifiée. En clair, il vous faut motiver cette autorisation, non pas nécessairement sur le document médical mais dans votre dossier personnel de gestion de la mesure de protection juridique, en gardant une pièce écrite de l’avis médical.

Je reste évidemment à votre disposition, pour tout éclairage complémentaire. 

Votre bien dévoué, 

 

Pr G. Raoul-Cormeil 

 

 

 

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